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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 21:36

Les étudiant(e)s en droit sont à plaindre ! Le code de la nationalité est une matière aussi compliquée que mouvante. Un nouveau code de la nationalité a été voté au Parlement belge juste avant les vacances, six ans après le dernier. Et on peut « repotasser », surtout en cas de seconde « sess » !

 

En France, également, le nouveau gouvernement de gauche bouge sur la question. Manuel Valls, le tout frais émoulu locataire de la place Beauvau veut aussi réformer la nationalité. On ignore si son projet constitue un retour au progressisme en la matière après la « nuit » sarkozyste. La loi Guéant a introduit une notion similaire à celle qui figure dans le nouveau code belge : le processus d’intégration (en Belgique, on l’appelle le parcours d’intégration). Ainsi, Valls a bien précisé : « "Je m'apprête à revenir sur les critères introduits subrepticement par mon prédécesseur", a annoncé M. Valls, souhaitant faire de la nationalité un moteur de l'intégration et non le "résultat d'une course d'obstacles aléatoire et discriminante".

 

 

manuel-valls.jpg

Manuel Valls proposera-t-il une loi moins sévère sur la naturalisation ?

 

 

 

Le ministre a précisé que le nombre de naturalisations avaient beaucoup baissé ces dernières années et que "cette chute résult[ait] d'une politique délibérée d'exclure de la nationalité des gens méritants et ne posant aucune difficulté". Pour M. Valls, "le défi de l'immigration sera relevé si la naturalisation n'est plus vécue, ou perçue, comme la fin d'un parcours du combattant, mais comme l'issue d'un processus d'intégration qui a sa part d'exigences". » (Le Monde.fr, 26 juillet 2012).

 

 

Cependant, on ignore si la nouvelle loi – qui sera présentée à la rentrée parlementaire en France – maintiendra les critères qui avaient été définis dans la loi Guéant qui est entrée en vigueur ce 1er juillet. Elle prévoit que tout étranger aspirant à acquérir la nationalité française devra justifier d'un niveau de maîtrise du français équivalent à la classe de 3e, avoir une connaissance minimale de la culture et de l'histoire de la France, et signer une charte "des droits et des devoirs du citoyen".

 

 

 

 

claude_Gueant01.jpg

Les nuisances de Claude Guéant auront-elles vraiment disparu ?

 

 

 

 

Ce sont des critères équivalents qui figurent dans le nouveau code belge. Ce code s’est inspiré d’un concept nouveau élaboré par les nationalistes flamands : l’ « inburgering » qu’on pourrait traduire par l’intégration à la citoyenneté.

 

 

 

Ce concept a été quelque peu revu et il est désormais inscrit dans la loi. On l’a appelé le « parcours d’intégration ». De quoi s’agit-il ?

 

 

 

Tout d’abord, qu’il s’agisse de la France ou de la Belgique, les nouvelles dispositions adoptées ou en projet sont plus restrictives. Comme le droit social, le droit des étrangers qui, depuis la fin de la guerre s’améliorait vers plus de droits, d’ouverture et d’égalité, connaît depuis quelques années une régression. C’est à cela que l’on détecte un changement radical de la société. On assiste à un retournement vers plus de restrictions, d’inégalités et d’exclusions.

 

 

 

Le parcours d’intégration – qui est matière régionale – est pour le moment adopté en Flandre. Des discussions ont lieu entre la Wallonie et Bruxelles pour savoir si ces deux régions adopteront un parcours d’intégration commun, ou chacun de leur côté. Les conditions exigées sont notamment linguistiques, soit une connaissance de la langue de la Région ou une des langues nationales, et sociales (diplôme obtenu dans un établissement belge, formation professionnelle de 400 heures, parcours d'intégration).

 

Il existe en outre des conditions liées à l'intégration économique : le candidat à la nationalité devra avoir travaillé au moins 468 jours au cours des 5 dernières années, ce qui exclut d'office tous ceux (les femmes surtout) qui travaillent à temps partiel ou qui ont des emplois précaires.

 

 

FPS.jpg

Les Femmes Prévoyantes Socialistes belges : le fer de lance du combat des femmes

 

 

 

Donc, il y a à la fois une plus grande sévérité dans les critères de naturalisation, mais on procède également à une forme inadmissible d’exclusion sociale. Les Femmes Prévoyantes Socialistes de Belgique (FPS) ont réagi avec virulence. Elles posent au préalable une question essentielle : « Pourquoi durcir les conditions ? En dehors de cas exceptionnels concernant des personnes mues par la volonté de détruire la démocratie et de s’opposer aux valeurs fondamentales de la société, c’est au contraire une très bonne chose que de nombreuses personnes manifestent ainsi leur volonté d’être membre à part entière de la communauté nationale. De plus, les nouvelles conditions proposées révèlent une volonté de privilégier les plus « riches », les plus diplômés, les plus … masculins ! »

 

 

 

En effet, on se demande pourquoi, en un temps où la solidarité internationale s’avère indispensable, où l’on ne cesse de revendiquer plus d’égalité, notamment entre femmes et hommes, on prenne le chemin d’une plus grande sévérité tout à fait inappropriée à une époque où il y a de plus en plus de mobilité, tout en rendant encore plus difficile la naturalisation pour les femmes.

 

 

 

 

lutte_des_femmes.jpg

Les femmes devront-elles à nouveau se mobiliser pour défendre leurs droits les plus élementaires ?

 

 

 

 

Les FPS ajoutent : « Dans le contexte de chômage et d’exclusion qui ne fait que s’accroître, ce calcul sordide « as-tu travaillé assez pour mériter d’être Belge ? Et à temps plein s’il-te-plaît ? » est proprement scandaleux et très clairement discriminatoire envers les femmes à qui on ne propose bien souvent pas d’autres emplois que du temps partiel. Si travailler à temps partiel démontre un manque de volonté d’ « intégration », pourquoi les employeurs (de la grande distribution, du nettoyage, de l’HORECA ([1]), etc.) en abusent-ils à ce point ? »

 

 

 

Nous sommes confrontés à deux phénomènes qui, paradoxalement, s’inscrivent parfaitement dans la logique ultralibérale.

 

 

 

Il y a tout d’abord une « lepenisation » des esprits. L’étranger – et particulièrement l’étranger d’origine nord-africaine – est de plus en plus rejeté par la population et même par une partie de l’élite. Le mélange de la crise, de la radicalisation et de l’attitude ambiguë des médias ne fait qu’accroître les tensions. Du côté des immigrés, la crise les frappe plus durement ; la pauvreté, le manque de perspectives forment le terrain idéal pour les zélotes du salafisme et autres intégrismes, surtout à l’égard des jeunes.

 

 

 

Ensuite, on assiste – particulièrement en Belgique – à l’expansion des sous-nationalismes « régionaux » ou « communautaires » qui vont à contre-courant du renforcement de la supranationalité au sein de l’Union européenne. En Flandre, mais aussi en d’autres lieux, ce sous-nationalisme est imprégné d’une culture d’extrême-droite de rejet de « l’Autre », qu’il soit celui qui parle « l’autre » langue, ou qu’il soit l’étranger vivant « chez nous ». Il ne faut pas oublier que des mouvements comme la NV-A ([2]) qui se prétendent démocratiques, plongent leurs racines historiques dans le nationalisme flamand d’avant-guerre qui était ouvertement nazi. Un autre parti, ouvertement néo-nazi, le Vlaams Belang ([3]), a connu son heure de gloire et représente encore quelque 12 % de l’électorat en Flandre. C’est la NV-A qui est à l’origine de « l’inburgering » et des lois restrictives à l’égard de l’immigration.

 

 

 

 

de_Wever.jpg

Bart De Wever, le leader nationaliste de la NV-A, s'inscrit dans une lignée fasciste.

 

 

Il est évident que ce démembrement de l’Etat-nation au profit des sous-nationalismes et la tension entre les différentes catégories de la population ainsi qu’entre autochtones et groupes issus de l’immigration, ne peuvent que favoriser l’ultralibéralisme. D’ailleurs, ces groupes sous-nationalistes prônent les solutions néolibérales en matière économique, veulent réduire l’influence des « corps intermédiaires » (entendez les organisations syndicales) et prônent la privatisation des services publics et de la sécurité sociale.

 

 

 

Le progrès social implique d’aplanir ces tensions. Face à un capitalisme en crise, certes, mais d’une puissance inégalée, la division des peuples est la pire des réponses. Aussi, la lutte contre le racisme est prioritaire et doit non seulement être plus efficace, mais aussi proposer une autre culture que celle du rejet.

 

 

 

N’oublions pas qu’avec l’expansion de l’extrême-droite depuis le début des années 1980, malgré les inefficaces « cordons sanitaires » et les incantations radicales, le rejet de l’Autre s’est petit à petit introduit dans les cœurs. C’est cela la « lepenisation ». Et pour l’en extraire, il faut mener une thérapie de très longue haleine. C’est sans doute l’entreprise la plus difficile à mener pour ceux qui se réclament du progrès et de l’égalité. Mais, c’est grave docteur !

 

 

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]HORECA : secteur belge de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés

[2] NV-A « Nieuw Vlaamse Alliantie », nouvelle alliance flamande est le principal parti nationaliste en Flandre. Il a obtenu aux élections de juin 2010, 27 % des suffrages en Flandre et est devenu ainsi le premier parti de Belgique au Parlement fédéral.

[3] Vlaams Belang, (ou la priorité flamande) anciennement Vlaams Blok (Bloc flamand) fut fondé et dirigé par des nationalistes flamands ouvertement fascistes, parmi lesquels on trouvait des anciens SS.

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