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6 novembre 2010 6 06 /11 /novembre /2010 23:07

Brink’s : attaquer le statut social pour mieux tuer l’emploi !

 

Brink’s Belgique est une filiale du groupe multinational étatsunien Brink’s Inc., dont l’activité est axée essentiellement sur les services de sécurité dont les transports de valeurs dans plus de 50 pays. Elle a un chiffre d’affaires de 1,5 milliards de dollars et emploie plus de 50.000 travailleurs. Sa filiale belge a un chiffre d’affaires de 30 millions d’Euros et occupe 400 travailleurs. Brink’s gère 6 agences en Belgique.

 

brinks.jpg

 

Brink's : une multinationale agressive

 

Le climat social y est très mauvais depuis pas mal de temps. En août 2005, le SETCa FGTB a demandé la réunion d’urgence d’une commission de conciliation entre l’employeur, les travailleurs et les Ministères de l’Emploi et de l’Intérieur en raison de l’introduction de la valise dite intelligente destinée à répondre efficacement aux agressions dont les transporteurs de fonds sont régulièrement victimes. Tout en n’étant pas opposé à ce nouveau procédé, le SETCa dénonce le chantage à l’emploi et à la délocalisation de Brink’s en cette circonstance, sous prétexte que le coût de ces valises intelligentes est estimé à 10 millions d’Euros. Les choses finirent par se calmer, mais ce n’était que partie remise.

 

Une offensive patronale contre la concertation sociale

 

En 2009, une nouvelle direction est installée en Belgique. Le 24 novembre, elle a procédé aux licenciements  de 24 travailleurs sont 18 transporteurs. Ensuite, toute l’ancienne direction, à l’exception de la DRH, fut « remerciée ». En cause, selon le SETCa, les difficultés liées à la renégociation d’un contrat avec la banque Dexia, d'une valeur de 6 millions d'euros et qui représente 20% du chiffre d'affaires de Brink's Belgique. « Les choses ne se présentent pas bien, un audit international descend en Belgique avec pour première conséquence le limogeage du directeur général. Le directeur néerlandais mandaté par les Etats-Unis reprend les rênes. A ce moment, le couperet tombe, le contrat Dexia est perdu. » Le SETCa – et c’est fondamental – dénonce  « La volonté de la nouvelle direction est de nier tout le rôle de la représentation syndicale au sein de l'entreprise et de faire fi du modèle de concertation sociale belge. » Et cela va être vite confirmé !

Depuis mercredi 3 novembre, les convoyeurs de fonds de quatre dépôts de la Brink's sont en grève suite à la fermeture du site de Strépy – Thieu  et une réforme du contrat des chauffeurs de convois que la direction veut faire passer du statut d'employé à celui d'ouvrier (comme cela se fait déjà chez le concurrent Group4).

 

Cette grève est bien plus qu’un « classique » mouvement social consécutif à une fermeture et/ou à une délocalisation ; elle pose une question de principe : le passage « en force » du statut d’employé à celui d’ouvrier est un précédent dangereux qui peut avoir des conséquences pour tous les travailleurs en Belgique. D’ailleurs, la direction ne cache pas ses intentions : on modifie le statut dans le but de payer de moindres indemnités de rupture !

 

Brink’s raisonne en multinationale.

 

La nouvelle direction européenne,  installée depuis 2009 est luxembourgeoise. Brink’s Luxembourg licencie à tour de bras, tout en évitant le recours à tout plan social en contournant la loi (licenciement de 5 travailleurs par mois au lieu de 7 et plus de15 en trois mois, selon la réglementation grand-ducale). Les congés légaux sont annulés ou reportés sine die et autres réjouissances du genre.

 

En Belgique, Brink’s veut éradiquer les règles élémentaires du droit du contrat de travail en changeant unilatéralement le statut des travailleurs.

 

 

A quoi jouent les médias ?

 

Le « Soir », la « Libre Belgique », la « DH », mais aussi RTL-TVI et la RTBF entretiennent au sujet de ce conflit social, un climat de panique. Tout d’abord, 1700 retraités ne toucheraient pas leur pension, ensuite l’activité économique risque « d’être ralentie » du fait de l’absence de billets de banque dans les distributeurs de billets et dans les caisses des grandes surfaces. Il n’y a pourtant pas de quoi « paniquer », d’autres solutions existent pour les banques et les commerces.

 

Alors que l’enjeu est capital – le statut social des travailleurs –, les médias font consciemment ou inconsciemment le jeu du patronat en rendant cette grève impopulaire.

 

En attendant, les travailleurs occupent le site de Strépy – Thieu – le seul de Wallonie –, suite à l’échec des négociations avec la direction, jeudi 4 novembre, gardant leur « trésor de guerre », quelques millions d’Euros. La direction veut faire neutraliser le système de sécurité du site par une firme spécialisée. Les travailleurs sont bien décidés à empêcher cela à tout prix !

 

La carotte et le bâton

                                                 

joelle-milquet_5646.jpg   Annemie.jpg

 

Joëlle la carotte,                                    Annemie le bâton...

 

 

Samedi 6 novembre, la Ministre de l’Emploi CDH, Joëlle Milquet, invite pour lundi toutes les parties à une conciliation sociale urgente. Mais, de son côté, la Ministre VLD de l’Intérieur, Annemie Turtelboom a donné l’ordre à la Banque nationale de procéder aux transports de fonds  sous escorte de la police fédérale !

 

D’un côté, la carotte de la négociation, de l’autre le bâton de la briseuse de grève !

 

Quelle faute grave ?

 

Au mois d’août dernier, un frigo de la grande surface Lidl de Libramont tombe en panne. Il contient quelques pizzas et morceaux de fromage.  La chaîne du froid étant rompue, ces produits sont impropres à la vente. Le règlement de cette chaîne commerciale veut que le produit soit ramené à la centrale pour y être détruit. La gérante estimant que la quantité de marchandise n’est pas assez importante pour entamer cette procédure, propose à cinq vendeuses d’emporter ces marchandises au lieu de les jeter.

 

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Lidl : une curieuse conception de la "faute grave"

 

Début novembre – donc trois mois après – la direction de Lidl licencie les cinq vendeuses pour fautes graves. Cela signifie : ni indemnités de licenciement ni droit au chômage. Cela fait cher la pizza !

 

Une négociation a lieu. La direction maintient les licenciements en « requalifiant » deux d’entre eux en indemnités de ruptures avec droit au chômage. Les trois autres « fautes graves » sont maintenues.

 

Quant à la gérante, pas de nouvelles !

 

Rappelons que la loi sur le contrat de travail définit la faute grave comme un fait rendant impossibles les relations entre le travailleur et l’employeur. De plus, la faute grave doit être signifiée au plus tard trois jours après les faits.

 

En l’espèce, il s’agit pour le moins d’une interprétation très extensive !

 

Espérons que le tribunal du travail, s’il est saisi, réparera ce gâchis car, ici aussi, il s’agit d’une atteinte grave au droit social, ce qui est bien plus important qu’une pizza dégelée…

 

Jacques Attali devrait revoir sa géographie…

 

Auteur d’une tribune libre dans « le Monde » du 6 novembre, l’ancien conseiller spécial de François Mitterrand, actuel banquier, écrivain prolifique et consultant pour Nicolas Sarkozy, tout en défendant son fameux rapport sur la croissance française qui prône de classiques mesures néolibérales, fustige la position frileuse de la France : « … et nous sommes même le seul pays osant se dire puissance mondiale dont la capitale ne soit pas un port. » Donc, Washington, Pékin et Moscou doivent être des ports… Allons, laissons-lui Londres comme lot de consolation.

 

Pierre Verhas

 

 

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